En immersion : dans la roue d’Enve
Article initialement paru dans Vélo Vert n°251, par Julien Conan (texte)
Rencontré sur les hauteurs de Park-City, Jason Schiers, boss de ENVE Composites, nous invite à découvrir sa société et le processus de production de ces produits 100 % carbone. Après un petit détour vers Antelope Island et quelques bagels engloutis devant un bison indolent, nous nous sommes donc rendus au siège de la firme américaine, histoire de découvrir cette jeune marque qui fait déjà beaucoup de bruit outre-Atlantique. Plein phare sur ce fabricant de pièces composites handmade in USA ?
ENVE Composites : rêve noir, idées claires
Nous y sommes !. 690 West 1100 South à Ogden (Utah), c’est ici que se trouvent les locaux de la déjà presque mythique firme de composants carbones ENVE Composites. Avant tout connue pour ces roues de route et plus récemment pour celles de VTT, la marque américaine brûle les étapes, surfant sur le succès pour proposer des périphériques carbone haut de gamme. C’est donc avec curiosité et enthousiasme que nous pénétrons dans ce bâtiment moderne.
Dans le hall d’entrée, une banque d’accueil design, une charmante hôtesse et un mur de bike test. Aucun doute, nous sommes bien chez des passionnés de vélo ! Jason Schiers nous accueille entre deux coups de fil, casquette du team Syndicate vissée sur la tête et nous présente à son équipe du service marketing. Shorts, tongs et chaussettes de récupération, l’atmosphère est conviviale et joviale. Ça respire véritablement la passion. Jason confirme en précisant que les 70 employés roulent. Quelle que soit la pratique, il juge important que tous les éléments de son équipe «composite» partagent la même passion.
La fabrication des roues ENVE
Jason nous invite à visiter les ateliers, mettant un point d’honneur à ce que l’on note que 100 % de la production des pièces ENVE est réalisée dans les locaux. Un petit pied de nez à la concurrence qui délocalise tout ou partie de sa production en Asie. Petit passage par la salle de pause, où l’un des employés se descend un verre de glaçons. Etonnants, ces Ricains ! Nous pénétrons enfin dans l’antre. L’air est frais et une dizaine d’employés s’affairent sur les tables de coupe. Les rouleaux de tissu de carbone en provenance du Japon sont déjà pré-enduits de résine pour limiter les odeurs agressives. Les lés de tissu sont découpés et numérotés avant d’être appliqués sur les moules spécifiques. Nous n’avons pas l’autorisation de photographier cette étape, secrets de fabrication obligent. Jason ne tient pas à divulguer toutes les techniques de conception qui font le succès de ses roues. On peut quand même dire que la particularité de la marque réside dans sa technologie brevetée de trous de rayons moulés et non percés. Une fois vissé, le moule circulaire passe une nuit au four pour obtenir un résultat optimal.
Démoulé, le cercle passe dans l’atelier de finition tapissé de poussière de carbone. Les imperfections sont poncées. Les trous de rayons et de valve sont alésés. Une colle est appliquée en périphérie de l’orifice de valve. Une fiche avec le poids certifié est éditée. Un cercle ENVE ne reçoit ni peinture ni revêtement. Sortie de son moule, la jante reste brute, cette finition apportant une touche d’authenticité. Après un léger dépoussiérage, la jante passe à la mesure (contrôle de largeur) et à la pause des stickers. Afin de contrôler la bonne conception des cercles, chacun est équipé d’un fond de jante, d’une chambre à air et d’un pneu, le tout mis sous pression. À l’aide d’un boîtier maison imaginé par les ingénieurs, ENVE s’assure de la régularité de la largeur du cercle. La distance entre chaque rayon est également contrôlée. Rien n’est laissé au hasard. À quelques pas de là, on se retrouve dans la salle de rayonnage, ultime phase de montage des roues ENVE. Les trois monteurs se donnent la réplique, prenant même le temps entre deux serrages de jouer une partie d’échecs en réseau !
Après la production des trains roulants, Jason nous dévoile la réserve. Ici, nous découvrons peu de stock, mais des périphériques et des pièces d’assemblage toutes plus inédites les unes que les autres. La marque ne se contente pas de créer et de produire ses propres roues et périphériques, elle prête son savoir-faire à d’autres. ENVE conçoit des tubes et pièces d’assemblage (pattes, wishbone, boîtes de pédalier…) pour des fabricants de cadres indépendants comme Calfee, Vanille, Crumpton et Ruegamer, mais aussi pour des constructeurs plus importants comme Parlee. En contemplant ces petits bijoux de composite, nous accédons dans l’atelier d’usinage équipé de trois tours et de trois fraiseuses à jet d’eau. L’odeur de limaille de fer envahit nos poumons et nous plonge dans un autre univers ! C’est ici que les moules et les gabarits prennent forme ou encore que la marque imagine et conçoit ses propres machines de contrôles et de tests. Jason ne cache pas sa fierté quant à l’indépendance et la capacité de réactivité de sa société face à ses concurrents.
Ici, la création d’un nouveau prototype prend moins d’une semaine. Nous accédons pour finir à la salle des tortures. C’est ici que sont testés les roues et les périphériques ENVE. On y retrouve le responsable test qui s’apprête à réaliser un test d’impact sur un modèle AM 27,5”. Pas de chance pour eux, la chambre à air explosera sous nos yeux. Cette salle de tests dispose de trois autres machines avec entre autres un banc d’essai homologué UCI pour le test des roues haut de gamme de route. Derrière une vitre en plexiglass, on distingue deux autres machines reliées à un moniteur. L’une se destine aux tests de rigidité latérale des jantes et de tension des rayons, la seconde est un banc d’essai de freinage. La roue tourne à l’aide d’une chaîne et subit une charge similaire à celle d’un pilote. La machine applique alors une force de freinage, évalue la température à l’aide d’un laser et identifie les variations de la largeur de la jante et du pneu en fonction du freinage et de la chaleur générée. En perpétuelle remise en question et recherche de perfection, ENVE n’hésite pas à tester les modèles concurrents afin d’affiner le développement de ses nouveaux produits. Les tests terrain sont également à l’honneur : derrière nous, un Ridley de cyclo-cross customisé avec différents périphériques et équipé d’une roue lenticulaire couplée à une 35 mm à disque. Pourquoi pas ?!
Petit passage par les bureaux du service ingénierie et nous terminons notre visite dans le show-room, de quoi se refaire un petit historique de la société à travers les photos ornant les murs.