ITW : Rencontre avec Lilian Calmejane
Cycliste professionnel depuis maintenant 5 ans Lilian Calmejane fait partie des meilleurs coureurs français. Nous vous en parlions dès 2017. Dans les paysages exceptionnels, qu’offre la région Occitanie, il prend plaisir à pratiquer le vélo sous toutes ses formes. Amateur de produits du terroir, il nourrit une passion pour la cuisine, s’il ne vous fait pas vibrer devant la télé il vous fera peut-être un jour frémir sur une terrasse d’un restaurant qui sera sans doute non loin d’Albi et de sa cathédrale.
Nous avons eu l’occasion d’échanger avec lui sur le confinement, son programme de reprise et faire un point sur la gamme Hutchinson qui équipe Total Direct-Energie.
Alltricks (A) : L’entraînement pendant le confinement était différent de d’habitudes, que retires-tu des séances de home-trainer, course à pied et renforcement musculaire ?
Lilian Calmejane (LC) : C’est vrai que l’entraînement pendant le confinement a été très spécial et déstabilisant, parce qu’on n’a pas pu faire le ‘’volume, le quota horaire’’. On a l’habitude de faire environ 20-25 heures de vélo par semaine et un certain nombre de kilomètres et là c’était quasi impossible de faire la même chose. C’est ça qui a été perturbant mais on a essayé de compenser ce manque de volume par un peu plus de travail spécifique en variant les activités notamment du renforcement musculaire, de la course à pied et du home trainer. Dans mon cas, j’ai pratiqué pas mal de course à pied, ce qui me faisait des semaines à 15 heures de sport donc loin d’une période de coupure, mais plutôt une période de transition et d’entretien vers de nouveaux objectifs.
En tant que sportif de haut niveau c’est important d’avoir des objectifs et surtout d’avoir des dates pour pouvoir se projeter sur une préparation spécifique et se donner à 100% lors de ses entraînements, faire attention à son hygiène de vie et tout ce qui va avec pour avoir de l’adrénaline et être stimulé tout simplement. Quand on n’a pas d’échéances en vue c’est difficile d’être à 100%.
A : Comment rattraper le foncier que tu n’as pas pu faire en début d’année ? Vas-tu faire un maximum de KM ou faire des séances spécifiques pour compenser ?
LC : Disons que le foncier a quand même été fait cet hiver, il y a eu une belle base de faite. Le début de saison a été important malgré le contexte un peu spécial sur Paris-Nice. J’ai quand même fait 18 jours de courses sur le début de saison, ce qui n’est pas le cas pour tout le monde.
Le confinement a été une période d’arrêt mais sur cette période je n’ai pas laissé le vélo de côté, j’ai continué à m’entretenir, et depuis un mois j’ai fait pas mal de km pour vraiment préparer le Tour de France c’est très exigeant au niveau volume.
Lilian Calmejane
Ensuite il y aura plus de spécifiques et je vais retrouver l’équipe, et la présélection du Tour pour un stage en altitude à Font-Romeu en juillet. Pour le moment tout se passe bien les sensations sont plutôt bonnes. Le fait de pouvoir s’entraîner beaucoup à cette période de l’année, et pas forcément en novembre ou en décembre comme on le fait en préparation en amont du début de saison, est bien c’est toujours plus agréable.
A : Hutchinson est partenaire de ton équipe. Quelles gammes utilises-tu chez eux ?
LC : Avec tous les vélos que j’ai : route, VTT, Gravel, Cyclo-cross, j’utilise beaucoup de pneus, d’ailleurs j’aime beaucoup cette pluridisciplinarité du vélo, il n’y a que le BMX que je n’ai pas encore testé mais pourquoi pas. J’aime vraiment pratiquer toutes ces disciplines je fais du VTT même en saison, en balade ou en spécifique. Donc les gammes Hutchinson sur la route j’utilise principalement du tubeless le Fusion 5 tubeless ready, j’ai fait le choix d’avoir deux paires de roues à l’entraînement : une paire de roues en Tubeless, et une paire de roues avec chambres et les Fusion 5 à flanc beige. Je trouve les Fusion 5 à chambres à air plus souples que le tubeless plus « coton ». Ils sont très agréables à rouler vraiment très confortables, avec un grip et un rendement vraiment exceptionnel.
Après pour ce qui est de la compétition on utilise principalement le boyau, quelques tubeless ont été testés mais on reste sur le boyau, principalement le Pro Tour en 25mm et puis pour les courses type Tro Bro Leon ou les classiques 28 ou 30mm avec la gomme Eleven Storm pour avoir encore plus de grip.
Pour le VTT j’utilise le Hutchinson Kraken et le Skeleton, moi je suis un routier j’aime les pneus avec peu de crampons, les pneus rapides avec lequel il y a du rendement, de la vitesse. Si je perds un peu d’accroches parfois ça me dérange pas, que le vélo soit joueur ça me plaît, je m’amuse quand ça glisse un peu donc les Skeleton et Kraken c’est mes petits bébés en VTT.
A : Selon toi qu’est-ce qui caractérise un bon pneu ? Le rendement, le poids, la gomme, l’indice de TPI ?
LC : Alors un peu de tout il faut trouver le bon équilibre, je n’appuierais pas sur un point particulier mais sur l’ensemble. La gomme est très importante, plus la gomme est tendre plus il y a de grip mais plus le pneu s’abîme vite aussi. Moi mon critère n’est pas que le pneu fasse 10 000 km je préfère que mon pneu s’use vite mais qu’il ait un bon grip, un bon rendement et qu’il soit confortable plutôt qu’il ait une carcasse très rigide et très dure et qu’il ne s’use pas au détriment des autres paramètres.
Il faut trouver le compromis, il ne faut pas non plus crever à toutes les sorties mais de ce côté-là avec Hutchinson que ce soit en tubeless ou en chambres à air j’ai vraiment très peu de soucis. Donc je dirais que le plus important pour moi c’est de trouver le bon compromis grip/rendement. Le poids j’y fais pas vraiment attention à l’entraînement, et en compétition avec les boyaux et les roues carbone à boyaux qui sont plus légères qu’à pneus on est servis à 100% donc il n’y a pas de soucis. Mais à l’entraînement j’ai une sacoche à l’arrière, de l’éclairage si mon vélo fait 1 kg de plus ce n’est pas plus mal comme ça une fois en course on se sent pousser des ailes.
A : Tu préfères rouler en boyaux ou en pneus ? Tu as des meilleures sensations sur quoi ?
LC : C’est assez spécial parce qu’avec le nouveau pneu, le Fusion 5 à chambres à air, j’ai de superbe sensation et avec plus de grip que le Pro Tour (boyau) donc c’est compliqué de choisir même si je dirais qu’en général sur route je préfère rouler avec des boyaux. Mais je suis vraiment très ouvert là-dessus et j’ai de très bonnes sensations sur pneus, après ce qui est important aussi c’est d’avoir une roue adaptée. De ce côté il y a eu une évolution avec les constructeurs mais les roues haut de gamme ont été proposé aux équipes quasiment uniquement en boyau et moins à pneus faut voir comment tout ça évolue. Je reste très ouvert à rouler en pneus en compétition.
A : À quelle pression roules-tu à l’entraînement et en course ?
LC : À l’entraînement je gonfle pas à chaque sortie mais je roule en 25, que ce soit sur pneu ou tubeless j’utilise les mêmes pressions je suis à 6 ou 6,5 à l’avant et 6,5-7 à l’arrière. En général je fais une vérification avec le doigt si je suis en dessous de 6 je remets un petit coup de pompe mais je ne dépasse jamais 7 bars donc je dirais entre 6 et 7 bars.
A : Quels sont tes objectifs cette saison ? Jouer la gagne sur des étapes de courses à étapes ? Ou jouer les Monuments ?
LC : À la base j’avais programmé un pic de forme sur des courses nouvelles pour moi : les courses en Italie que je devais courir notamment Tirreno-Adriatico et Milan San-Remo donc le mois de mars était très important pour moi. Et bon tout a été annulé…
L’an dernier c’était un peu dur pour moi, donc cette année j’ai vraiment à cœur de refaire un Tour de France avec du panache, de chasser les étapes et pourquoi pas d’en gagner une bien évidement.
Mais j’ai aussi envie d’être dès le 1er août sur la route d’Occitanie, sur mes routes, j’ai vraiment envie d’être présent sur cette saison écourtée et condensée.
Lilian Calmejane
Après le Tour de France il me restera seulement deux trois courses et ce sera déjà trop tard pour vraiment espérer en gagner une belle ou avoir de gros objectifs. Donc j’ai vraiment la volonté de répondre présent dès la reprise, dès début août et de faire un beau Tour de France.
A : Une sélection pour le mondial par ton ancien équipier et mentor Thomas Voeckler ça te fait rêver ?
LC : Oui, oui ça me fait me rêver après c’est un mondial très difficile, et en France il y a beaucoup de gros grimpeurs, nos plus grands coureurs sont de grimpeurs, donc c’est une sélection qui sera articulée autour de deux ou trois leaders donc pourquoi pas être équipier là-bas.
Après j’ai en ligne de mire le Championnat d’Europe juste après les championnats de France et juste avant le Tour, c’est pour moi un peu plus intéressent parce que je peux avoir un rôle un peu plus libre et surtout un parcours qui me convient mieux donc ce sera sûrement plus les championnats d’Europe cette année.
A : Tu fais du VTT (une belle place sur le Roc d’Azur l’an dernier) et maintenant du Gravel en parallèle des séances route, tu y vois quels avantages ?
LC : L’avantage que j’y vois c’est principalement de varier les disciplines, de gagner en technicité, et surtout de s’évader, quand on fait un métier depuis quelques années, on peut se lasser de son quotidien. Moi, même si je fais un métier de passion il y a de moments où on se lasse de certaines choses, ou on a un peu moins d’adrénaline sur le vélo parce qu’on fait la même chose quotidiennement, et pour moi aller faire une sortie de Gravel ou une sortie de VTT c’est un bon bol d’air.
Enfin le Gravel pour l’instant c’est vrai que j’en fais un petit peu mais j’adhère un peu moins au mouvement. C’est-à-dire que je trouve ça sympa, mais pas autant que le VTT, et c’est différent de la route et ce n’est pas du cyclocross non plus. Donc c’est sympa mais je pense que c’est un truc qui se fait surtout en communauté qui se partage, c’est un esprit.
Là ou je prends vraiment plaisir à côté de la route c’est sur le VTT, j’ai pas mal de circuits : des très condensés, très rapides sur lesquels je peux travailler à très haute en intensité. Et des circuits type marathon un peu comme l’année dernière sur le Roc où là je peux faire du long, 4h de VTT ou je travaille à la fois le foncier, le cardio tout en ayant le plaisir d’être en communion avec la nature tout en ayant des parties techniques donc c’est tout bénef.
A : On sait que tu aimes cuisiner, comment tu gères la balance gourmandise/performance ?
LC : Alors ça c’est un peu le plus dur à gérer dans mon métier, je suis pas du tout fêtard, je suis bon vivant mais pas du tout fêtard donc là-dessus ça va. La cuisine pour moi c’est vraiment une seconde passion, et après ma carrière c’est sûrement un domaine dans lequel je me dirigerais, je nourris des projets là-dedans. Rien de très concret mais je sais que ça me plaît beaucoup, la cuisine pour moi ça veut dire transformer ses produits soit même et manger sainement donc ça déjà c’est une bonne chose.
Après de la gourmandise on en a tous, il faut savoir la modérer mais quand on a des objectifs précis en tête, on sait ce qui est bon pour son corps et on fait moins d’écart. C’est les périodes de transition qui sont un peu plus compliquées à gérer, on a tendance à se lâcher un peu plus et prendre un de poids. Mais en général j’ai une balance et un équilibre sur le long de l’année qui est quand même qui est très bon.
A : Niccolò Bonifazio (son co-équipier italien) fait deuxième sur les Champs-Élysées l’année dernière c’est un sprinter résistant dans la durée, l’emmener dans le Poggio pour qu’il fasse la décente à fond et qu’il prenne la gagne sur Milan-San Remo c’est envisageable ?
LC : Ah bah ça c’est sûr que si je l’emmène dans le Poggio je le suivrais pas dans la descente parce que pour le coup c’est un sacré descendeur et il connaît ses routes par cœur. Après le Poggio ce qui est sûr c’est qu’il faut arriver en forme dedans avec encore de la fraîcheur, mais surtout très très bien placé donc c’est une course qui peut correspondre à l’équipe, à Niccolò, à Anthony Turgis, même à moi. En tout cas le rêve de Niccolò plus que de gagner une étape sur le Tour c’est de gagner Milan San-Remo donc s’il a les cannes comme il les avait l’année dernière après le Tour de France ce sera un plaisir de l’aider à réaliser cet objectif.
A : L’arrivée de Total en tant que sponsor majeur du team a eu des répercussions pour vous coureurs ?
LC : Oui c’est vraiment une bonne chose d’avoir un sponsor inscrit sur une démarche de long terme, une entreprise aussi grande avec de l’ambition pour le futur. C’est des relations différentes par rapport à celles qu’on avait avec l’ancien sponsor parce que les patrons étaient très investis et on les voyait souvent sur les courses. Mais au final le sponsor reste le même, c’est Total Direct Energie mais le groupe Total a mis sa patte dans l’équipe et ça offre des perspectives d’évolution énormes pour l’équipe.
S’il ne devait en rester qu’un
Bordeaux ou Bourgogne ?
J’ai envie de dire ni l’un ni l’autre. Plus sérieusement il y a de très bons Bordeaux il y a de très bons Bourgogne mais mes vins préférés c’est quand même les vins du Sud que ça soit des vins de Corbières, des vins de l’Hérault mais encore plus les vins de la vallée du Rhône ce sont vraiment mes préférés.
Jambon de Lacaune ou jambon de Porc Noir de Bigorre ?
Bon là j’ai envie d’être chauvin en disant jambon du Tarn, de Lacaune, mais il faut bien reconnaître que quand même le Jambon de Porc Noir de Bigorre c’est vraiment un des meilleurs. Donc niveau goût je dirais le jambon porc Noir de Bigorre.
Giro Aether ou Giro Vanquish ?
Pas d’hésitation c’est Giro Aether j’aime bien les casques pleins mais plutôt sur les autres (rires). C’est vrai que l’aéro c’est important mais le coté esthétique et le coté ventilé d’un casque pour moi c’est les deux qualités primordiales qui font un bon casque selon moi. Il faut qu’il soit beau et surtout bien ventilé et pour le coup avec un casque plein je m’y retrouve pas vraiment.
Oakley Radar ou Sutro ?
Ha je dirais Oakley Radar parce qu’elle est intemporelle je suis plus Radar, Sutro pour le fun mais Radar on ne s’en lasse jamais.
Tour de Lombardie ou Liège-Bastogne-Liège ?
Les deux évidements !
Merci à Lilian pour son temps et sa disponibilité, merci à Hutchinson pour le coup de pouce et bonne deuxième partie de saison à lui.
© Crédits photos : Instagram @liliancalmejane