En immersion chez Sidi – Visite de l’usine en Italie
Article initialement paru dans Vélo Vert n°232, par Thibaut Simon (photos et texte)
Quand Dino Signori, déjà spécialiste des bottes de moto depuis dix ans, partait rouler à vélo, il revenait avec des douleurs dans les genoux. La solution ? Inventer les premières chaussures à fixations réglables. C’était aussi simple que cela ! C’était il y a 40 ans. Depuis, Sidi inonde les mondes du vélo et de la moto avec ses chaussures haut de gamme. Pourtant, ici, on fabrique sans concession et sans souci de productivité. Une image pour résumer la culture de Sidi. Chaque modèle, sans exception, est contrôlé et repris à la main par les ouvriers. C’est un savant mélange entre industrie et artisanat, nécessaire au positionnement haut de gamme de la marque.
L’empire Sidi en Italie
Une implantation stratégique
Les passionnés de vélo, route et VTT, comme les passionnés de moto pourraient facilement prendre ce petit périple pour un pèlerinage … L’avion vient de se poser à Venise et nous remontons maintenant la région de la Vénétie, direction Nord-Ouest. C’est l’une des zones les plus dynamiques d’Italie économiquement, avec toutes ces petites et moyennes entreprises implantées partout. Mais depuis de très longues années, cette région est aussi le bassin d’une culture industrielle bien particulière : celle du deux-roues et de l’équipement sportif. On peut vous citer quelques grandes références, comme ça, en oubliant forcément d’autres noms. Aprilia, Benetton, Geox, Lotto, Gaerne, Alpinestars, Pinarello, Selle Italia, San Marco … À croire qu’ils sont tous là, à quelques dizaines de kilomètres à la ronde !
En arrivant à proximité de la petite ville de Maser, la route passe à côté du siège d’Alpinestrars, puis celui de Selle Italia. C’est là, quasiment coincée entre les deux sociétés que Sidi a dressé son nouveau bâtiment, il y a quelques années. Le déménagement n’a pas engendré de grands bouleversements puisque c’est quelques kilomètres plus loin que Dino Signori (tiens c’est marrant ça donne ‘‘SiDi’’ si on retient les deux premières lettres …) a fondé et implanté l’entreprise en 1960. Si nous sommes là, c’est un peu pour constater le chemin parcouru par le charismatique personnage, âgé de 76 ans aujourd’hui.
Une production locale de qualité
Ensuite, s’immerger dans l’empire Sidi, c’est surtout comprendre et se rendre compte de l’effort porté par la marque sur la qualité. C’est une culture. C’est le point le plus important noté tout en haut du cahier des charges, souligné d’un trait gras. Hormis un centre de production en Roumanie pour les séries les moins haut de gamme, tout est fait ici avec un soin particulier. Et ces modèles provenant justement de Roumanie passent tous par ici pour une vérification scrupuleuse produit par produit ou pour des retouches éventuelles. «Nous ne voulons pas mettre un produit sur le marché sans en être contents à 100%», a-t-on entendu plusieurs fois au fil de notre visite.
Le succès de Sidi
En se promenant au milieu des deux chaînes de production, on s’aperçoit que la conception industrielle n’a pas remplacé totalement l’artisanat. Ici, il n’y a aucune pression sur la productivité et ça se voit. Les ouvriers n’hésitent pas à bloquer constamment la chaîne automatique pour prendre le temps nécessaire sur chaque produit, quitte à ce que ça bouchonne derrière. C’est en travaillant dans cet esprit que Sidi s’est fait un nom. Car c’est bien la qualité unanimement reconnue des produits maison qui fait le succès de la marque. Preuve s’il en est, cette omniprésence dans le milieu de la compétition, dans tous les domaines. Et pour entretenir cette image haut de gamme et cette qualité, la marque a toujours fait des choix parfois contraires aux logiques du marché. Il y a quelques mois, Sidi a soufflé ses 50 bougies. Et si la technologie et l’innovation font changer les produits de la marque à vitesse grand V, la politique du ‘‘made in Italia’’ et la culture de la qualité à tout prix (surtout à prix élevés) n’ont jamais été remises en cause. Ni sacrifiées sur l’autel de la productivité et de la compétitivité ! Et visiblement, ça n’est pas près de changer…
Sidi : la marque made in Italia
C’est d’abord pour soigner l’image et par souci de qualité. Mais c’est certainement un peu aussi par patriotisme et par fierté que Sidi ne travaille qu’avec des sous-traitants italiens, dont certains à proximité de l’entreprise, à Maser. À l’unique exception du tissu aéré des chaussures Sidi qui est produit en Allemagne, toutes les matières premières nécessaires à Sidi viennent d’Italie ! Tissus, pièces diverses en matières plastiques et surtout carbone. C’est un spécialiste italien qui sous-traite la confection des semelles en composite. Ici, rien ne vient d’Asie. Et si on peut admettre sans souci que l’Asie n’a rien à se reprocher en terme de maîtrise du carbone, chez Sidi, on préfère acheter local ! La capacité maximale de production de Sidi est de 2 500 paires par jour, tous segments confondus.
La création et les débuts de Sidi : Dino Signori nous raconte…
« Je travaillais comme simple ouvrier dans une fabrique de chaussures de ski et je voulais me mettre à mon compte car j’avais des idées particulières. Je n’avais absolument pas d’argent à cette époque. Je suis allé voir le fournisseur en machines de mon ancienne entreprise et je lui ai demandé s’il pouvait m’en donner et que je le paye après. Je lui ai dit : si ça marche, je vous paye dès que je peux et si ça ne marche pas, je me remets à travailler ailleurs pour vous rembourser les machines. Il a hésité et m’a finalement dit oui. Pendant longtemps, j’étais tout seul et je devais travailler parfois jusqu’à 20 h par jour ! Les débuts étaient très difficiles. Je ne pouvais pas embaucher. C’est en 1960 que Sidi est née. J’ai commencé à faire des chaussures de Ski puis la première botte de moto en 1969... »
« Ma philosophie a toujours été claire. Ne jamais produire ailleurs qu’en Italie. Exceptée cette usine en Roumanie pour certains produits, le reste se fait et se fera toujours en Italie ! C’est une histoire de qualité mais aussi de souci de proximité avec nos clients, les pratiquants comme les revendeurs. Nous voulons qu’il y ait une vraie relation de proximité. Ensuite, produire en Italie permet d’assouplir la production. Nous sommes beaucoup plus réactifs. Nous pouvons toujours nous adapter aux demandes et aux changements, produire des petites quantités, des séries spéciales. Je suis conscient que nos concurrents qui produisent en Asie peuvent proposer des tarifs contre lesquels nous ne pouvons pas lutter. Mais c’est notre choix de ne pas faire comme eux, même si nous sommes plus chers… »
L’avenir du marché
« À une époque, au début des années soixante-dix, j’avais pris énormément de poids. C’était à cause du travail, je ne faisais plus que ça et ce n’était pas très bon pour ma santé ! Mon médecin m’a dit qu’il fallait absolument que je perde du poids et que le vélo était la meilleure solution pour moi. C’est comme cela que j’ai commencé le vélo. Mais très vite, je me suis rendu compte que j’avais mal aux genoux à cause des chaussures à fixations de l’époque. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose et j’ai commencé à réfléchir sur un concept de réglage des fixations. C’est comme ça que Sidi a sorti sa première chaussure pour cycliste en 1973. Ensuite, en 1983, nous avons été les premiers à remplacer les lacets par des Velcro. Nous avons ensuite sorti notre premier modèle VTT en 1990… »
L’avenir de Sidi
« Nous n’irons jamais produire en Asie, quitte à ne pas pouvoir lutter contre les tarifs des concurrents …»
« Ne me demandez pas de vous dire comment ça sera dans dix ans, que ça soit pour Sidi ou pour le marché en général ! Je n’en sais rien du tout. Et depuis que j’ai commencé dans les années soixante j’ai appris que l’on ne peut jamais trop anticiper. C’est comme ça. On ne sait jamais ce qui nous attend à long terme. Depuis le début de Sidi, je n’ai jamais parlé d’avenir à plus de deux ans ! Les décisions que l’on prend chez Sidi concernent les mois d’après, rarement plus. Mais le fait que nous produisions ici et de cette manière nous apporte une souplesse qui nous permet justement de ne pas être obligés d’anticiper trop sur un avenir incertain et de faire des choix risqués. À 76 ans, je peux vous dire que je suis sûr d’une chose : on n’a jamais de certitudes quand on fait ce genre d’activités …»
Sidi chausse les champions
Julien Absalon, Nino Schurter, José Hermida, Thomas Frischknecht, Bart Brentjens… tous les plus grands noms du VTT (ou presque) sont ou ont été sponsorisés par Sidi. C’est sans compter les autres pilotes de haut niveau qui roulent avec des Sidi sans pour autant avoir un contrat direct avec le siège italien. Pour l’entreprise, c’est une vraie culture d’être aussi impliquée dans le milieu de la compétition. C’est aussi une des priorités. Déjà parce que les produits, pour l’essentiel très haut de gamme, sont pensés pour la compétition. Mais c’est aussi par le plus haut niveau que Sidi s’est très vite construit son image. C’est son plus grand vecteur de communication.
Il n’y a qu’à voir les publicités de la marque, qui mettent toujours en avant autant un pilote que le produit en lui-même. Et si Sidi est aussi présente en VTT, c’est certainement encore plus le cas sur la route et dans le monde de la moto. Toutes les plus grandes stars sont chaussées par Dino Signori. Chez Sidi on aime profondément la compétition autant que la culture de la discrétion… et les chiffres ne sortent pas si simplement des bouches… mais on ose à peine imaginer le budget annuel astronomique alloué au sponsoring !
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