Le Tour du Rwanda 2016 vu de l’intérieur
La 8e édition du Tour du Rwanda a eu lieu du 13 au 20 novembre 2016 et Vincent du staff Alltricks y était présent en tant que motard dans l’organisation . Retour sur cette expérience.
Le Tour du Rwanda : présentation
Au même titre que le Tour du Burkina-Faso ou la Tropicale Amissa-Bongo, le Tour du Rwanda illustre la dynamique et le bon élan du cyclisme africain. Au fil des années, le niveau des courses et des coureurs a augmenté jusqu’à la création par l’UCI de l’Africa Tour qui regroupe les meilleures courses du continent. La dynamique est bonne et la présence au plus au niveau de l’équipe Dimension Data l’illustre à merveille en permettant aux coureurs africains comme Natnael Berhane ou Daniel Teklehaimanot d’exploser au plus haut-niveau
Le Tour du Rwanda est une course par étapes, inscrite à l’UCI Africa Tour, lancée en 2009 qui est de plus en plus populaire et attire un public de plus en plus nombreux pour encourager les cyclistes. Au départ on retrouvait à la fois des équipes amateurs européennes, des équipes nationales et des succursales de pro-teams. Cette année c’est le jeune rwandais Valens Ndayisengan de l’équipe Dimension Data qui a remporté le Tour et qui maintient l’équipe rwandaise sur le podium pour la troisième année consécutive. Cette nouvelle victoire confirme la suprématie des rwandais sur leurs terres.
Vincent nous raconte son expérience
Comment as-tu eu l’opportunité de participer à ce projet ?
En 2013 j’ai travaillé au Rwanda pendant 7 mois avec l’équipe nationale de cyclisme Rwandaise comme mécanicien. J’avais pour mission de former une équipe de mécaniciens pour aider au développement de l’équipe et de la fédération. A l’époque j’ai participé au Tour du Rwanda comme mécanicien et depuis j’y retourne tous les ans comme bénévole.
Quel était ton rôle ?
Cette année j’ai piloté une moto pour la production TV, je transportais un Cameraman de l’équipe de TV5 Monde en charge de couvrir l’évènement comme chaque année.
Comment se déroulait une journée type ?
La journée démarrait assez tôt à 6h00, on prenait le petit déjeuner avec les coureurs puisque nous étions logés dans les mêmes hôtels. Les départs d’étapes étant donné aux alentours de 9h00, il nous fallait être présent 1 heure avant pour s’organiser tranquillement, récupérer le matériel des différents passagers (photographes, TV, commissaires …) et assister au briefing avant le départ pour être sûr que tout soit bien calé.
Ma mission consistait à piloter au mieux pour les images, je voyageais dans le peloton, un peu devant, un peu derrière, à la demande du caméraman. Je pilotais et lui donnais pas mal d’informations sur ce que je connais de la course et ce qu’il s’y passe, c’est plus facile de naviguer dans un peloton quand on s’y connaît déjà, c’est une habitude. A environ 10/15 km de la fin d’étape, on se rendait à l’arrivée pour caler les images au sol, durant la course il y avait deux caméras, l’une restait en permanence avec les coureurs et l’autre était au sein de la course et faisait aussi des plans au sol pour faire découvrir au mieux la beauté de ce pays aux téléspectateurs.
Après l’arrivée et une fois le protocole passé, on allait faire le plein à la station-service partenaire, à tous les coups on était les « curiosités » du coin sur nos motos… Enfin arrivés à l’hôtel, c’était l’heure du nettoyage pour les motos et du check mécanique. Cette année nous avons eu quelques problèmes avec les motos qu’on a récupérées là-bas. On a cassé une chaîne en cours d’étape, un étrier de freins pour la seconde moto Prod TV, un joint spy de fourche… Il fallait que tout soit propre et en bon état pour le lendemain.
Le soir après avoir nettoyé le pilote (à l’eau froide …), nous nous retrouvions autour de quelques bières histoire de refaire l’étape, et discuter ce que nous avions vu de plus marquant dans la journée avant d’aller dîner avec les coureurs.
Quelles étaient les difficultés du parcours ?
Le parcours est très exigeant, il est à la hauteur de la réputation du « Pays des 1000 collines », en clair cela ne fait que monter. Ce sont généralement des petits cols qui montent entre 4 et 15 km, ce n’est souvent pas très raide mais les pentes ne sont pas très régulières et reviennent très souvent, c’est donc très usant physiquement. A noter également que l’altitude est assez élevée puisque le pays se trouve en moyenne aux alentours de 1500m d’altitude et certains cols approchent parfois les 2400m. Les descentes ne sont pas évidentes non plus et font également parties des difficultés. Enfin une autre difficulté à prendre en compte pour les coureurs même si cela parait étrange, c’est le public. En général très disciplinés, les gens sont sur la route et peuvent traverser à tout instant. J’avais sur la moto pour ma part toujours peur de faucher quelqu’un. En Afrique sur la route il y a aussi des petits pièges qui peuvent couter cher, des plaques d’huile, des pierres, de la boue par endroits. Sur le mouillé comme le sec il fallait toujours être très vigilant.
La principale difficulté reste la typographie : entre 1500 et 2500m de dénivelé à chaque étape.
En termes de niveau, et si tu devais comparer à des courses en France, comment situerais-tu ce Tour du Rwanda ?
C’est une course UCI qui fait partie du calendrier Africa Tour sur laquelle on retrouve des professionnels, des équipes U23 et des amateurs. On y retrouve des équipes comme Dimension Data Espoirs (U23), Bike Aid par exemple ou encore des équipes nationales : le Rwanda mais aussi l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Cameroun, le Kenya, aussi des équipes canadiennes, suisses et françaises. Même s’ils ne le sont pas tous, la grande majorité d’entre eux sont professionnels. En fait, je dirais que le niveau correspond aux épreuves DN1 amateur chez nous et à quelques courses où l’on retrouve des équipes continental pro.
On voit sur les photos/vidéos une vraie présence du public, une ferveur, comment as-tu ressenti cela ?
C’est exponentiel, le public est de plus en plus nombreux, il y a trois ans ce n’était pas aussi énorme, même si le public était déjà très nombreux. Depuis 2014 les rwandais se mettent à gagner des étapes et le classement général, cela attire donc beaucoup de monde.
Les rwandais ont très peu de manifestations sportives dans leur pays, pour aller plus loin ils ont même très peu de distraction, il ne se passe pas grand-chose dans les villages et la population attend le Tour toute l’année avec beaucoup d’impatience. Comme sur le tour de France les enfants sont friands des cadeaux de la caravane publicitaire. On retrouve un monde fou sur les arrivées, les départs et dans les villes traversées et surtout énormément d’enfants dans tous les coins ! Le vélo devenu très populaire là-bas en moins de 10 ans, bien plus que le football ce qui n’est quand même pas rien en Afrique !
Aujourd’hui les courses sont plus nombreuses (toutes proportions gardées), il y a des championnats, des courses organisées par les clubs du coin … Le pays aimerait organiser les championnats d’Afrique de VTT avec Nathan Byukusenge comme porte drapeau, un coureur expérimenté qui a été l’un des premiers à avoir couru sous le maillot du team Rwanda. En 2016 Il a obtenu sa qualification aux JO de Rio en VTT, c’était la 2e fois qu’un rwandais était qualifié pour les Jeux, c’est un facteur qui contribue au fait que le public s’y intéresse de plus en plus.
Qu’est-ce que tu as retenu de cette expérience ? Qu’est ce qui t’a le plus marqué ?
Cette année j’ai particulièrement aimé la découverte de nouvelles routes qui ont à peine un an d’existence et qui traversent le sud du pays. A moto ou à vélo nous avons pu profiter de quelques routes magnifiques le long du lac Kivu avec des paysages à couper le souffle, ou encore lors de la traversée de la forêt de Nyungwe et son parc naturel peuplé d’oiseaux et de singes par une route sinueuse de près de 100 kms…
Le plus marquant reste public qui est de plus en plus présent. Ce qui m’a marqué aussi c’est la bonne progression des coureurs rwandais que je connais depuis un moment maintenant, voir leur évolution est pour assez intéressant. Il y a quelques années ils auraient été très soudés pour faire gagner l’un des leurs par exemple, mais cette année ils se sont concentrés sur les intérêts de leurs équipes respectives. Valens n’a pas forcément eu besoin de l’aide de ses compatriotes rwandais pour gagner la course et s’est reposé sur le travail de son équipe. Cela montre une certaine maturité et laisse donc un bel espoir pour l’avenir, c’est une belle évolution qu’il faut suivre de près.
Pour aller plus loin, voici un résumé vidéo de la 3e étape :
Crédits photos : © Cycling Tips